Nous avons été gratifiés pendant tout notre raid goum d’un temps idéal pour la marche et les bivouacs : « Merci Seigneur ! ». Mais au soir du grand rassemblement des 40 ans célébrés sur le Mont Chabrio, le dernier soir pour nous, la pluie nous a rejoints ; nous l’avons accueillie comme une bénédiction finale du ciel. Deux heures durant, emmitouflés dans nos parkas, en cercle autour d’un bon feu pour faire bouillir la marmite, nous avons échangé nos impressions et fait le bilan de cette semaine exceptionnelle. Malgré le temps, la joie était à son comble : le Christ était là. M’est alors venue à l’esprit la réalité du mystère de l’incarnation du Verbe dans toutes ses dimensions. La traduction liturgique du verset 14 du prologue de saint Jean est un peu édulcorée : « Le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous ». Le verbe hébreu, transcrit par saint Jean en grec, signifie mot à mot : « Il a planté sa tente parmi nous ». C’est dire la proximité de Dieu pour le peuple itinérant que fut Israël dans son histoire : au cœur du campement dans le désert, Dieu vient planter sa tente, signifiée par l’arche d’alliance.
En tirant un peu cette réalité, j’ai proposé aux goumiers qui m’entouraient une traduction plus réaliste encore : « Il a bivouaqué parmi nous ».
Jésus était là à nos côtés, sous la pluie, et se réchauffait avec nous auprès du feu. Oui, en Jésus, Dieu n’a pas fait semblant et la réalité de l’Incarnation nous invite à être des hommes et des femmes incarnés. C’est l’un des aspects forts de l’expérience goum :
- (re)découverte des potentialités et des faiblesses de notre corps si peu ou si mal sollicité dans notre société contemporaine. L’homme n’est pas que cérébral ; la spiritualité par les pieds (surtout lorsqu’ils nous font mal) vient unifier la totalité des composantes de la personne humaine. La purification physique par l’effort éveille nos sens, leur rend toute leur noblesse et renouvelle notre rapport à soi, aux autres, à Dieu.
- le rapport à la nature au cœur de laquelle, dans la marche quotidienne, nous découvrons les traces du Créateur : splendeur des paysages dans le soleil levant et couchant tout autant que sous la pluie, richesse de la faune et de la flore, qualité du silence permettant presque d’entendre les battements du cœur de Dieu etc.
- attention aux autres dans le partage de ce qui fait le tréfonds de chacun comme de ses misères passagères liées à la marche, à la fatigue, à la faim, etc.
L’homme n’est pas un cul-de-jatte, mais un marcheur, un pèlerin devant l’Éternel. Dieu se fait proche :
- Comme jadis dans le désert où il manifeste sa présence dans la nuée, puis la tente de la rencontre où séjourne l’arche d’alliance, Dieu se fait proche !
- Comme jadis à Bethléem une certaine nuit de Noël, « où il vient bivouaquer parmi nous », Dieu se fait proche !
- Comme jadis sur la route d’Emmaüs où il rejoint deux disciples, Dieu se fait proche du désarroi de l’Homme !
- Comme jadis, aujourd’hui Dieu appelle chacun de nous pour incarner sa puissance (c'est-à-dire son dynamisme) de vie et d’amour et redire aux autres, en leur exprimant concrètement la grandeur de l’Homme, la grandeur de Dieu, la puissance de la vie et la beauté de l’amour, et cela dans les choses les plus humbles : « faire grandement les petites choses », disait sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.
ce trésor que vous avez découvert, faites-le découvrir à d’autres jeunes : ils crèvent de faim et de soif, de vrai, de beau, de pureté
Alors, chers amis goumiers, ne tardez pas : ce trésor que vous avez découvert, faites-le découvrir à d’autres jeunes : ils crèvent de faim et de soif, de vrai, de beau, de pureté. Dieu vous envoie vers eux. En son nom, traduisez en acte et en vérité l’un des fondements de la foi chrétienne : « Le Verbe s’est fait chair et Il a bivouaqué parmi nous ».
Padre Olivier Mabille
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