1 juin 2000

Les marcheurs du Ciel


Pour les 30 ans des Goums, Famille chrétienne consacre sa Une aux "marcheurs du ciel" que sont les Goums. Extrait :

"D'étranges et jeunes "pélerins" arpentent les hauts plateaux des Causses depuis trente ans. Ils portent le nom de "Goums". Ces chercheurs de Dieu vivent pendant huit jours une expérience d'ascèse joyeuse par petites tribus de quinze ou vingt. Nos reporters les ont accompagnés.

Drôle de paysage. Aucun obstacle entre nos yeux et l'immensité de ce désert des Causses. Un aboiement rompt le silence de cette fin d'après-midi. Nous sommes au coeur des hauts plateaux calcaires de la Lozère, au sud du Massif Central, entre les Cévennes, l'Aveyron, le Cantal, la Haute-Loire et l'Ardèche. Une meute de chiens aboie. Un groupe de randonneurs apparaît sur le sentier de bergers qui serpente entre les sapins, les buissons de buis et de petits chênes bousculés par le vent. Au loin, des fermes aux toits de lauzes semblent posées sur des étendues d'herbes rases et de pierres. Les marcheurs portent des jerricans en équilibre sur leurs sacs à dos et sont vêtus d'une djellaba de laine. Ce sont les Goums (ou Goumiers).

"Un nom qui évoque le désert et la liberté", dit Michel Menu, fondateur des Goums, surnommé "le Vieux Goumier". En 1969, il propose à trois ou quatre jeunes de partir marcher dans le Vercors. Devant le succès de cette initiative, ils repartent à vingt dans les Causses. Ils étaient soixante-dix l'année suivante. Depuis, plus de douze mille jeunes entre 20 et 35 ans ont tenté - et bien souvent renouvelé- cette expérience.

Le Père Jean Chamley, aumônier du Goum, marche en tête, accompagné d'Henri-Louis, un jeune étudiant clermontois aux joues rougies par l'effort et le soleil. Ils posent leurs sacs avec un soulagement évident. Par petits groupes ou en solitaire, les Goumiers se rassemblent peu à peu sur le lieu de bivouac après une brève halte en contrebas à la ferme de Roger. Cet agriculteur plein de sagesse leur offre son eau avec bienveillance depuis de longues années.

Le deuxième jour de marche, sur les huit prévus, vient de se terminer. Un cap est passé. De l'avis des anciens Goumiers, ce sont les étapes les plus longues et les plus rudes. Il faut en effet un peu de temps pour abandonner ses repères étriqués de citadins et accepter de se laisser surprendre. Parmi les derniers arrivés, une petite brune dynamique. Elle soupire mais garde le sourire. C'est Sabine, présente sur le Causse pour la cinquième année consécutive.

Alors que le soleil nous offre des derniers instants de chaleur avant la grande fraîcheur des nuits pascales, je l'imagine prête à prendre un repos bien mérité. Erreur : elle se dirige vers la "cuisine" où trône des tas de bois bien calibrés. Je commence à peler quelques oignons avec elle. Cette jeune mère de cinq enfants est une goumière à vocation tardive. "Pendant longtemps, j'avais entendu parler des Goums, de cette semaine de marche en pleine nature, avec un aumônier, des jeunes venus de tous horizons... Mais rien de plus. A la naissance de mon dernier enfant, j'ai eu une embolie pulmonaire, drôlement peur, et l'envie pressante de tenter cette expérience radicale."

Attirés par l'odeur d'oignons grillés, quelques Goumiers se rapprochent."