Si vous passez par Le Causse, cet été, vous le rencontrerez peut-être. Enfin, si vous quittez les sentiers battus et fréquentez les hauteurs : là où l'air est vif, la vue inspirée, le pied lourd mais le coeur léger. A coup sûr, il vous paraîtra bizarre. Peut-être vous fera-t-il même un peu peur. Car il ne sera probablement pas seul! Hervé Laruelle, 29 ans, as de l'aéronautique, se mue en goumier le temps d'une semaine d'été. Djellaba, sac à dos et grands espaces.
Les Goumiers! Pour les plus anciens, ce mot évoque passé colonial, soleil marocain et saveurs épicées : des guerriers fiers et indépendants. Ralliés, mais jamais vraiment soumis, pas plus au pouvoir du sultan au'à celui de Marianne. "Goum"? Les plus érudits feront le rapprochement avec le "Talita Kum" de l'Evangile, synonyme de résurrection.
L'austère appartement d'Hervé révèle les préparatifs du prochain Goum. Peu de matériel en réalité : quelques gamelles, des cartes et des boussoles, des vaches à eau, les carnets de chant... et les djellabas! Il va donc s'agir de marcher. Soit. Mais en djellaba ? Ne peut-on marcher plus simplement ? Mettre un pied devant l'autre et recommencer, tout en admirant la vue et en rigolant avec les copains? Pas si simple... Marcher, certes. Avec une boussole, oui. En chantant, pourquoi pas. Il y a tout cela, dans un Goum. "Mais c'est bien autre chose qu'un raid, précise Hervé, par ailleurs ancien Scout de France.
"L'esprit des Goums, c'est la nature et une totale liberté".Une trentaine de Goums ont lieu chaque été, chacun organisé par un "lanceur" comme Hervé et rassemblant une vingtaine de candidats : entre 20 et 30 ans pour la plupart, recrutés par des annonces, mais surtout par bouche à oreille. On vient souvent, la première fois, accompagner un ami. "Il faut simplement veiller à ce qu'il n'y en ai pas plus de trois ou quatre qui se connaissent, explique Hervé" (...).
Ni raid ni retraite, mais un peu des deux. "Aller au désert, oui. Se mettre dans la difficulté: un peu comme lorsqu'on grimpe un col en montagne à plusieurs. On attend les derniers, on porte le sac de celui qui n'en peut plus..." Le désert avec la délicatesse de l'attention, du service alors ? "La retraite dans un monastère, c'est pas mon truc. Mais le Goum est une vraie expérience de dépouillement, de pauvreté". Cela explique l'habit et la nourriture frugale. "On ne va pas au désert pour se faire des brochettes et déguster des chèvres chauds", conclut Hervé.
Une thérapie pour désapprendre l'opulence
Bref, marcher. Mais pas n'importe où : là où c'est grand, là où c'est beau. Là où le silence est possible. Et la surprise souhaitée. "Tous ne sont pas pratiquants, loins de là. Mais chacun attend quelque chose. Cherche. Le Goum, c'est se dépouiller, vivre avec intensité ce qui est donné, sans commune mesure avec le quotidien de la vie. Chacun donne le maximum du meilleur de lui-même". Comme une thérapie pour déapprendre l'opulence, en quelque sorte.
Sur une semaine, les trois premiers jours sont les plus exigents, pour donner le rythme. La méthode est simple : lever avec le soleil, petit déjeuner, méditation, messe, marche, repas, veillée brève. Pour le reste, marcher. Seul ou en groupe. En silence ou en chantant. Librement. 20 à 25 kilomètres par jour pour retrouver celui qu'Hervé appelle "l'homme dans son intégralité". Les paysages sont toujours là, époustoufflants, de ceux qui vous font taire. Plus rien à dire que le silence, et Celui qui l'habite. "Pourquoi courir ? Qu'est-ce qui est vraiment important dans la vie? s'interroge Hervé. Le miracle du Goum, c'est qu'il vous aide à poser les choses. Il est l'antidote à la compartimentalisation de la société contemporaine".
La marche au désert comme école de la beauté des choses, école du don de Dieu. "Car on ne comprend plus de la même façon "Dieu qui se donne" après un Goum qu'avant, quand on a donné beaucoup".
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