Je
vous parle d’un temps que les moins de 20 raids ne peuvent pas connaître…
Le
temps du papier et de la lettre postée, le temps du fax et du téléphone à
cadran, le temps des circulaires manuscrites expédiées en grand nombre du fond
de sa Provence. Le temps de l’écrit et de la comptabilité manuelle. Le temps du
service d’un autre temps…
Le
temps des pionniers et des fondateurs, de la première équipe, des ouvreurs de
piste et des serviteurs au long cours…
Il
fut ce temps où l’aventure Goum, qui pour le commun des Goumiers paraissait se
développer sans effort et relever de la génération spontanée, reposait sur le don
sans limite de quelques chevilles ouvrières, sans lesquelles nous ne serions –
peut-être – plus là aujourd’hui.
Oui, frère goumier qui vient de
rejoindre l’aventure ces dernières années, il fut le temps de… Jean, dont pas
un seul goumier n’ignorait ni le nom ni l’adresse.
Lanceur
à ses débuts, trésorier, attaché de presse, annuaire vivant et véritable base
de données de notre aventure, gardien de la méthode et des parcours de raid, cet
humble peintre-papetier marseillais avait très tôt emboité le pas de Michel et
de ses Raiders scouts.
Présent depuis les origines
et pour une génération entière de goumiers, Jean LATIL, qui vient de nous
quitter dans sa quatre-vingt dixième année… était les Goums.
Il
faut dire qu’il était attachant notre Jean. Goumiers et lanceurs des années 80
et 90 gardent en mémoire bien vive les conversations téléphoniques et chantantes
du soir où nous refaisions l’aventure, où nous débriefions de notre raid, où
nous préparions le suivant, où nous venions chercher le nihil obstat de celui sans qui aucun raid n’aurait pu partir.
Ses
interventions régulières aux assemblées générales, au cours desquelles il
présentait chaque année non sans humour et détachement les comptes et bilan de
l’exercice écoulé, étaient attendues et faisaient le bonheur de tous. On
l’écoutait religieusement, on riait beaucoup, même s’il n’épargnait pas pour
autant les lanceurs quand ils prenaient quelques libertés avec ses conseils.
Les
Goums prenaient leur essor et Jean voyait venir la nouvelle génération avec un
Espérance inquiète. Mais la fidélité, l’amitié et la joie de ces retrouvailles
annuelles achevaient de le rassurer. Il en avait besoin quelques fois notre
Jean.
Au
début des années 2000, les boites aux lettres électroniques supplantèrent
celles de la rue de La Turbine à
Marseille puis celle de l’avenue Alfred
Capus à Aix-en-provence, qui pendant 20 ans n’avaient pas désempli… Le
calendrier des raids s’affichait sur le net depuis que le premier site fut mis
en ligne le 8 décembre 1999. Les échanges papier disparaissaient peu à peu du
quotidien des Goums.
L’ « administration »
de nos marches changeait un peu dans la forme. Mais Jean demeurait, aux côtés
de Marie-Andrée, et avec les Michel, Jacques, Paul, Mylène, François, Didier, Jean,
Estelle, Stéphane, Agnès, Laurence, Isabelle, Olivier et tant d’autres, l’âme de notre aventure.
Autour
du feu de bivouac qui brûle pour nous là-haut, les paillasses bien disposées en
étoiles et le tas de bois méticuleusement agencé, notre vieux frère Jean a
trouvé la joie d’une nuit sans fin à la belle étoile. A bientôt Jean !
Xavier
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