La Goumière, le Goumier : des créatures. Créatures dans la création ; créatures en création ; créatures de l'univers visible ; créatures de l'univers invisible ; créatures du Père ; créatures dans le Fils ; créatures vivantes d'Esprit ; créatures jugées ; créatures ressuscitées ; créatures vivantes. Le Credo décline tant et tant de modes d'être des créatures, pourtant issues d'Un Seul Acte créateur, qu'ils prennent des couleurs arc-en-ciel selon les personnes de la Trinité, ou les étapes de l'économie du Salut.
Et la créature particulière qu'est la Goumière et le Goumier en profite
! Créature rayonnante dans la brise réconfortante et les descentes bénies, dans
les mélodies illuminatrices autour du feu qui chante, le sourire des cieux et
les étoiles aux visages des filles et des garçons. Créature jugée, au crible de
la Montée de la Farine et dans la soif aride qui crevasse la langue, dans la
durée immobile d'un jour trop long et d'une ligne trop droite et monotone, dans
le lancinement d'une hanche ou d'un genou gênant. Créatures vivifiées par une
solide bourrade amicale qui relance quand on cale, ou l'esprit qui vagabonde en
pleine liberté et imagination féconde au cours de la méditation.
La Goumière et le Goumier sont des créatures bien particulières puisqu'elles expérimentent consciemment les façons multiples dont l'Unique Acte créateur a su habiller son mystère. Le Credo, lui aussi, en sa sagesse couturée de coups et de Goumiers et Créatures Sur les sentiers du Credo luttes dans les Temps de nos Pères, nous offre une piste à suivre. À la manière d'un chemin du Causse : un seul chemin, et tant de paysages !
Nous sommes créatures, et nous aussi passons par des intensités
variables de conscience et participation à cette nature créée. Parfois
présents, souvent absents, réussissant à l'occasion, échouant plus qu'on ne
voudrait, mais toujours créatures. Créatures par essence éternelle, par existence
momentanée, par humilité de conscience : la créature qui gît dans la Goumière
et le Goumier est unique en même temps qu'elle est variable ! Le pèlerin russe
dit de lui-même, en se présentant à la première page de son récit : « Par la
grâce de Dieu, j'ai été créé homme et pécheur ». Être Goumière et être Goumier,
c'est être une créature, dans et par ces variations, qui révèlent l'Unique Acte
créateur, celui qui vient du Seigneur et qui s'en va vers notre liberté
ressuscitée, jamais méritée et toujours graciée, en passant par le risque du
mal, infligé ou pâti.
Goumières, Goumiers, créatures, nous n'avons donc pas un regard béat ou photographique devant un Aigoual, une gorge, un Tarn ou un Point Sublime. Non : un clin d'oeil complice, de créature à créature, embarquées dans le même élan. Nous n'avons pas non plus le visage attristé par un village abandonné et envahi par les ronces, un bas-fond qui nous fait perdre l'azimut. Au contraire, nous avons la vision consciente de ce que la création est laide quand elle est emprise dans la tortuosité du mal. Devant la Création, exaltante ou décevante, nous, créatures et marcheurs, nous communions.
Le premier lanceur de mon premier raid (il se reconnaîtra) confiait une
conviction au « Padre-questionneur » que j'étais (et suis toujours encore
hélas) qui se demandait comment on faisait adoration en raid : « Padre,
l'adoration Goumière, elle n'est pas d'abord eucharistique : l'hostie, on la mange
le matin. Elle n'est pas d'abord biblique : l'évangile, on le referme après la
méditation. Ces adorations sont justes et bonnes, mais elles viennent après la vraie,
la puissante, la constante et la première des adorations du Goumier : l'adoration
cosmique, celle de la Trinité en acte dans les heures et les lieux, les terres
et les ciels du Causse. C'est le Goumier qui devient avec son Christ une Hostie dans l'ostensoir de la Création ». Il
avait tout dit. Et maintenant, créature, fais silence.
Padre Michel Besse, spiritain Volontaire permanent d'ATD Quart-Monde
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